Alors que les fêtes de fin d’années approchent, il est temps de faire un bilan si ce n’est des bilans. Je souhaite partager avec vous tous une expérience et des interrogations sur notre écosystème entrepreneurial.
Nous avons développé pendant 3 ans à Smile Côte d’Ivoire un programme interne visant à émuler un esprit d’innovation et de créativité au sein de notre société dont la moyenne d’âge est inférieure à 28 ans.
A court terme ce programme visait à créer nos propres relais de croissance et à long terme des emplois directs et indirects dans notre écosystème. Nous avons réussi à atteindre nos objectifs et continuons sur notre lancée avec la Swanfactory.
L’ouverture au public de notre initiative me fait découvrir de façon assez brutale ce qui se passe en dehors de nos murs. Je suis interpellé par plusieurs sujets que je souhaite partager de façon très légère avec vous.
L’Entrepreneuriat semble avoir été présenté à un public jeune et/ou profane comme le vecteur absolu de succès et de bonheur. Etre à son compte est le caviar de l’épanouissement personnel tandis qu’avoir un emploi rémunéré c’est accepter d’être un esclave des temps modernes. D’un autre côté l’entrepreneuriat qui était poussé par le public et plusieurs programmes et bailleurs internationaux comme l’UNE des solutions pour répondre aux problématiques de chômage et de précarité de certaines classes de notre société est perçue comme LA solution.
Cnséquence directe nous avons toute une génération d’entrepreneurs dont le vocabulaire professionnel tourne autour de quelques mots comme : Licorne, Valo, Serie A, Seed, IPO, Incubateur, Pitch, VC, Proto et bien entendu mon petit préféré
DISRUPTIF (je suis fan de Star trek ça me parle).
Par contre si des termes comme : Rentabilité, Ligne de crédit, cash flow, service après vente, veille concurrentielle, barrière commerciale, gestion des risques, croissance organique, Fiscalité…vous parlent vous êtes surement dans une société classique qui fait probablement des bénéfices. Pas de panique ce n’est pas grave vous n’êtes juste pas encore Disruptif. Moi aussi je suis passé par là.
En effet sur 10 entités rencontrées ces dernières semaines je constate que 8 n’ont aucun business modèle viable voir même aucun business modèle tout court.
Nous sommes dans le Narcissime technologique : Mon idée est la meilleure du siècle et donc elle va cartonner. Classique de néo-entrepreneur il suffira d’être accompagné pour retravailler cela.
Trop facile, car totale fut ma surprise de découvrir qu’elles étaient déjà accompagnées par des champions de entrepreneuriat, rompu semble t’il à toutes les techniques de vente, communément appelés « COACH » mais nous reviendrons sur ces karatékas du business développement dans un autre post.
Poussant mes échanges avec mes cadets et modulo quelques recherches sur le www, j’ai découvert entre autre un nouveau concept que j’ai baptisé la concouromanite. Cette maladie frappe des startupers de tout âge et se manifeste globalement par une besoin impérieux et incontrôlable de participer à toutes forme de concours et de promotion médiatisée des start-ups et de l’innovation. Le patient est pris d’une envie irrésistible de remporter tous les prix possibles et à défaut de pouvoir prendre quelques selfies valorisant son génie créatif. Les deux activités lui procurant satisfaction et bonheur le temps de quelques flashs, tweet et post facebook.
Lorsque la concouromanite n’est pas traitée elle peut conduire à des développements inquiétant , qui déclenchent une deuxième maladie tout aussi curieuse que j’ai nommé le YALISME. Le patient convaincu et fier de ses trophées est positionné souvent malgré lui sans aucun accomplissement sous les feux des projecteurs. Il est valorisé non pas pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il pourrait accomplir. Il devient donc un futur Leader potentiel de sa génération. Son art du verbe et du Pitch prend une dimension internationale et il commence à vendre une denrée rare sous nos tropiques : l’Espoir d’une future réussite.
Il faut le dire l’Espoir fait VIVRE $$$ mais les perdiems et les quelques frais de débours attribués sont vite partis en fumée dans les bars huppés de la capitale. la Start-up se meurt car négligée au profit des missions d’ambassadeur du futur succès africain et des formations sur le Leadership, il faut trouver des moyens de subsistance. Notre Ex-Startuper, Pitcher brillant, Potentiel Futur leader de sa génération est désargenté et sans expérience professionnelle. Mais ne soyez pas triste il est plein de ressource et c’est la que la boucle se ferme. Notre ami(e) devient MENTOR !
C’est le début d’un nouveau cycle, au sommet de son Art notre cher ami va passer le flambeau fièrement à une nouvelle génération de futurs potentiels espoirs qui dans 3 ou 4 ans assureront sa relève pendant qu’il deviendra à son tour Directeur d’un Programme international lancé par un bailleur convaincu rappelons le de son potentiel à pouvoir faire bouger les lignes.
De vrais accompagnateurs professionnels se retrouvent donc concurrencés par cette nouvelle génération rompues aux dernières technologies de communication disruptive.
Quelques rares Startupers du milieu ayant échappé à cette maladie testent une voie plus conventionnelle, il cherchent des clients, du chiffre d’affaire, veulent développer des prototypes mais ne trouvent pas de financement, ils font évoluer leur modèle économique et repensent leur produit chaque jour pour le mettre en adéquation avec le marché qu’ils visent. Ils font la queue durant des heures à des salons en espérant glaner timidement des conseils auprès d’entrepreneurs à succès qu’ils n’ont parfois même pas la chance d’approcher.
A ces derniers, qui se reconnaîtrons dans mes lignes je dis : Swanfactory vous ouvrira grand ses bras.
Si vous avez l’impression de mal faire ou de vous tromper en préférant le labeur aux feux des projecteurs, sachez que ni Bill Gates, ni Marck Zuckerberg, ni Jack Ma, ni Dangote n’ont gagné de concours.
Continuez, ne baissez pas les bras, un jour vous serez sur le Podium à part que c’est vous qui remettrez des Prix. Vous êtes notre fierté et le vrai espoir pour l’Afrique. #Talklessdomore
Par Patrick KOUASSI